E3 1995 : Comment la PlayStation de SONY a éclipsé SEGA
Les jeunes générations peuvent ne pas être très familières avec SEGA, une entreprise japonaise ayant une longue expérience dans l’industrie du jeu vidéo. SEGA était reconnu pour ses célèbres séries telles que Sonic, After Burner, Bayonetta et Shenmue, ainsi que pour ses consoles de jeu ! Malheureusement, quelques choix malheureux et l’arrivée d’un nouveau concurrent puissant ont eu un effet négatif sur la marque. Revenons ensemble sur un événement crucial qui a marqué le déclin médiatique de SEGA : l’E3 de 1995.
Historique et contexte
A la fin des années 1980, on considère SEGA comme inébranlable. La marque est active dans l’industrie du jeu vidéo depuis 1966. Cette année-là, le célèbre hérisson bleu lance sa première machine d’arcade : Periscope. Le concept est simple, le joueur se retrouve à bord d’un sous-marin et doit couler des navires ennemis. De 1970 à 1982, SEGA excelle dans les jeux d’arcade. Cependant, les années 80 voient l’essor des consoles de salon. Ainsi, il est nécessaire de trouver un moyen de vendre des ordinateurs coûteux aux ménages pour qu’ils puissent jouer directement aux jeux vidéo chez eux. Entre 1983 et 1985, SEGA expérimente en lançant pas moins de trois consoles sobrement baptisées « Mark I à III ». La Mark III se démarque réellement en offrant plus de puissance de calcul que sa rivale, la Nintendo Famicom.
Le marché japonais est alors dominé par ces deux acteurs : SEGA et Nintendo. Cependant, les deux marques aspirent à plus. Devant le succès commercial, elles nourrissent de nouvelles ambitions : conquérir les marchés européens, américains et indiens.
La Mark III est améliorée et commercialisée hors du Japon en 1986 sous le nom de Master System. Le marketing est pris en charge par le groupe Virgin aux États-Unis et en Europe. La console remporte un véritable succès en Europe et en Amérique latine. Toutefois, le marché nord-américain est conquis par un autre projet : la Nintendo Famicom, rebaptisée N.E.S. SEGA possède alors sa propre mascotte avec Alex Kidd, qui se révèle être le jeu le plus vendu de la console.
Conquérir le marché
En 1988, SEGA fait une percée avec la Mega Drive (appelée Genesis aux USA), marquant le début d’une période prospère pour SEGA, qui rivalise avec Nintendo pour la domination du marché. Les ventes sont encourageantes en Europe et aux États-Unis, grâce à une technologie de pointe sur leurs consoles. Cependant, SEGA ressent un manque d’entrain dans ses produits, comme en témoigne l’échec de la Game Gear en 1990. Conçue pour concurrencer la Game Boy de Nintendo, la Game Gear était plus puissante avec un écran LCD moderne, mais elle souffrait de problèmes d’ergonomie et d’autonomie.
Dans le but de remédier à cette lacune émotionnelle et de susciter l’amour des joueurs, SEGA décide de remplacer sa mascotte Alex Kidd par Sonic, le hérisson bleu. À la moitié des années 90, le bilan de SEGA est mitigé, car la société investit davantage dans la recherche et le développement, mais les résultats financiers sont seulement moyens.
E3 1995
Création d’un événement annuel majeur
Avant 1995, l’industrie du jeu vidéo était sous-estimée et considérée comme un secteur mineur de la technologie. Le salon majeur pour les nouvelles technologies, le CES à Las Vegas, ne leur accordait qu’un petit espace extérieur peu propice pour présenter des jeux.
Face à cette situation, l’International Digital Software Association (IDSA) contacte la direction du CES pour améliorer leurs conditions d’exposition, mais leur demande est rejetée. L’IDSA décide alors de créer son propre salon, l’Electronic Entertainment Expo (E3), avec le soutien du PDG de SEGA America, Tom Kalinske.
Le CES tente de riposter en organisant un contre-salon, mais l’E3 parvient à attirer près de 180 exposants, laissant le CES en déroute. Finalement, seules deux entreprises, Nintendo et Microsoft, choisissent de rester fidèles au CES, mais devant le succès de l’E3, elles changent rapidement d’avis et réservent leur stand pour le premier salon E3.
La débâcle de Sega à l’E3 1995
SEGA brille au salon E3 de 1995, étant l’un des acteurs majeurs qui a contribué à la création du salon. Ils présentent leur nouveau projet, la SEGA Saturn, une console révolutionnaire avec un support CD et une puissance de 32 bits. Cependant, malgré son potentiel, le projet se révèle être un gouffre financier en raison des coûts de développement et des dépenses marketing pour s’imposer sur de nouveaux territoires comme les USA.
En parallèle, Sony fait une entrée fracassante à l’E3 de 1995. Après avoir été sous-traitant pour Nintendo, Sony décide de se lancer dans l’industrie du jeu vidéo avec sa console, la PlayStation. La PlayStation est déjà un grand succès au Japon, et Sony prépare son lancement en Amérique du Nord et en Europe.
Lors de la conférence SEGA, les cadres de Sony sont attentifs et se réjouissent en entendant le prix de la SEGA Saturn annoncé à 399 $. Lorsque vient le tour de la conférence de Sony, le directeur local révèle le prix de la PlayStation : « two ninety nine » (299), soit 100 $ de moins que la SEGA Saturn. C’est un coup de maître de la part de Sony, qui éclipse la concurrence en offrant une console plus puissante à un prix plus abordable, sous les regards du monde entier.
Le déclin de Sega en tant que constructeur
La SEGA Saturn a rencontré du succès uniquement au Japon, mais elle a été éclipsée par la puissante Playstation de Sony aux États-Unis, tandis que Nintendo lançait la très populaire Nintendo 64 en 1996. Cela a précipité le déclin de la Saturn, qui continuait de perdre de l’argent. SEGA a alors tenté un dernier coup avec la sortie de la Dreamcast, qui malgré quelques jeux cultes, a été un échec retentissant marquant la fin de l’ère glorieuse de SEGA.
En 1995, Sony a créé une tradition de l’E3 en laissant ses rivaux bouche bée avec son « mic drop ». Ce moment a également marqué le début de la décadence de SEGA. Aujourd’hui, Sony en est à sa Playstation 5, tandis que SEGA continue de chercher à relancer la licence Sonic, qui a perdu son charme depuis longtemps. Ironiquement, Sonic Frontiers est sorti sur les consoles de toujours de SEGA, Nintendo, ainsi que sur PlayStation et Xbox, soulignant la position de SEGA en tant que concurrent plutôt que leader du marché.